La vie continue.

Publié le par Léonard

 

01 & 02 avril 2009 107 WEBA l’heure qu’il est notre Eliott doit avoir été dispersé dans les réservoirs de biocarburants de quelques bobos persuadés de sauver la planète en allant confortablement et écologiquement vers nulle part. Il doit aussi sentir le frais et le naturel sur la peau de belles nouilles qui n’utilisent que du savon de Marseille ou d’ailleurs, que du bio, que du vrai, que du gras de viande morte, que des amis morts. Se déplacer grâce à la combustion de macchabées, se laver avec des cadavres : La nature est généreuse.

 

Eliott est parti dans un autre monde, il a rejoint de façon dramatique et saugrenue le monde de futilité qu’il avait connu dans sa jeunesse du temps où des crétins en recherche de sensation lui grimpaient sur le dos pour balader leur oisiveté sans se fatiguer les articulations.

Heureusement le vrai Eliott, le tendre, le concret invisible, l’indispensable inutile est dans nos cœurs et nos âmes pour toujours. Vous pouvez pourrir son corps, le découper, le chauffer, le brûler, le tartiner, le stocker dans des bidons, dans des placards, dans vos sacs de marque ou de contrefaçon on s’en fout. Bouffez le si vous voulez, allez-y fervents de la viande de cheval, boulottez de toutes les façons cet être exceptionnel. Puisqu’on vous dit qu’on s’en fout. L’équarisseur n’a pris que son enveloppe. Son esprit, sa personnalité, ses défauts et ses qualités, son amour sont restés avec nous, en nous.

Eliott tourmente nos nuits, maltraite nos boyaux et notre digestion, Eliott et quelques parasites aujourd’hui en désertion.

 

Vint le temps de ceux qui ne savent pas se taire avec leurs tirades inévitables que l’écoute, même distante, pousse aux limites de la franche rigolade ou de l’envie irrépressible du coup de boule fatal.

Puis, sans broncher, nous avons ouï les poncifs de ceux qui aimeraient compatir mais ne font qu’enfoncer, tremblotants et maladroits, le clou rouillé et tordu dans la plaie, une fois, deux fois, trois fois… Même pas mal.

Suivirent les balourdises de ceux qui n'imaginent pas un cheval autrement que surmonté d'un John Wayne grassouillet avec chapeau à la con retenu par les oreilles, colt de minable sur ceinturon tape-à-l’œil, chemise boudinant le rayon brioche et bottes de rocker arriéré en peau de lémurien en voie de disparition.

Enfin, Il y a eu des larmes, des seaux de larmes amères pour laver toute cette merde verbale et matérielle.

Des larmes d’acide chlorhydrique pour tout effacer et ne garder que sa peine, la vraie, la sincère, la viscérale, l’amoureuse, la sentimentale.


Pour contrebalancer tout cela nous avons lu les témoignages émouvants du forum "cheval en vacances".
Des témoignages d’autant plus importants qu’ils émanent de gens que nous ne connaissons pas, que nous n’avons jamais vu, que nous ne verrons certainement jamais. Des gens qui confirment que nous ne sommes pas seuls. Peu mais pas seuls. Partout en France des amis pleuraient Eliott avec nous…

Merci à vous.

Il y a eu l’aide sincère et le soutien des voisins de Mascotte et Eliott, leur gentillesse, leur accueil. Nous n’oublierons jamais les couvertures qui l’ont réchauffé avant sa mort. Merci.

Il y a eu le superbe collage du petit Tom, si touchant, si beau. Et cette phrase d’un petit de trois quatre ans qui nous dit les yeux dans les yeux : « Moi aussi je l’aimais bien Eliott, maintenant il est au Ciel. ».

Déchirant.

Merci à ces parents qui apprennent les bases de l’humanité aux adultes de demain.

 

Impossible d’oublier les images horribles de sa mort, la vision ignoble de son départ, le constat insupportable de l’irrespect humain, le noël pourri, le déchirement, le vide, le trou noir, l’absence. 

 

Et puis…

Nicolas, un ami rare et donc précieux, prévenu du drame qui vient de se produire nous "prête" gentiment et immédiatement une de ses ânesses pour que Mascotte ne reste pas seule. Merci Nico.

Kiki est tendue, distante. Elle lève le cul avec entrain, nous botte, nous repousse, se méfie. Mais elle est là, près de mascotte. Elle ne nous connaît pas, ne sait pas si nous sommes du bon côté du hachoir. Elle aussi a vu l’équarisseur emporté notre gamin. Il y a de quoi prendre de la distance.

Un mois passe. Trente jours d’approche, trente jours de patience et de nuits de cauchemars.

Nous nous apprivoisons.

 01 au 07 janvier 2010 093 WEB

Aujourd’hui bien installée, Kiki ne quitte pas Mascotte, elle accepte gentiment le licol, marche tranquillement avec nous (quand elle n’est pas dans ses pensées métaphysiques), se laisse prendre les pieds (tout petits, tout minus par rapport aux targettes d’Eliott), elle apprécie les caresses. Elle prend sa place dans le pré et, pourquoi le cacher, dans nos cœurs pas forcément d’artichauts.

Kiki secoue nos idées reçues sur les ânes.

Précisons ici que les seuls ânes que nous connaissions jusque là se déplaçaient sur deux pattes.  

Malgré les uns et grâce aux autres la vie reprend, complexe, déglinguée, amputée mais tenace.

Mascotte a trente trois ans et une tumeur dans le cou, une tumeur qui se tient tranquille pour l’instant, nous surveillons. Nous sommes là pour ça, tous les jours.
Cent bornes par jour, cent bornes qui mènent au bonheur des belles choses et des belles rencontres, cent bornes qui permettent de dialoguer tactilement avec de belles âmes. Cent bornes pour fuir un monde dont nous nous éloignons de plus en plus, cent bornes pour nous retrouver, nous découvrir. Nous aimer.

Cent bornes pour visiter ses enfants c’est que dalle.

Une broque.

Ca a une autre gueule que cent mètres pour un Mac Cholestérol ou dix mètres pour un thé tiède avec sa tantine à moustache qui vibre comme un marteau-piqueur et déblatère connerie sur connerie depuis sa chute dans les escaliers de la cave.

 

Kiki est là théoriquement jusqu'au printemps. Théoriquement... 
 

Et si un cheval ou une jument, un vieux, une vieille, un maltraité, une maltraitée, un ou une mal foutu(e), un mal aimé, une incomprise, un boiteux, croise notre route, il sera le bienvenu. Borgne, tordu(e), magnifique ou misérable, sans chantage à l’abattoir, sans ultimatum dramatisé, qu’importe qui il est, qui elle est, si elle est gentille, juste gentille, sa place l’attend.

Pas la place d’Eliott, pas celle de Kiki. Une autre.

Une place près de Mascotte pour se gratter mutuellement le dos et chasser les mouches.

Juste une place.

La sienne.

 

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  A bientôt.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Haridelle et Compagnie

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<br /> Petite étincelle de bonheur<br /> Qui a débarqué dans l'horreur<br /> Tu as occupé tout ce vide né<br /> Et tu l'as chassé<br /> Peu à peu tu nous as adopté<br /> Tu as trouvé ta place dans le pré<br /> Sur cette planète<br /> Celle du petit âne pas net<br /> Qui nous donne confiance et amitié<br /> Merci de cette loyauté<br /> <br /> <br />
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