Mascotte.

Publié le par Léonard

 

05---07-sept.-2009-151_WEB.jpg

 

Eliott était parti comme on dit pour contourner la mort. Les images hideuses se bousculaient, seringue, camion benne, pince géante et sang occupaient nos esprits déglingués. La peine et la haine phagocytaient nos pensées.

Un trou béant remplaçait notre pré.

Eliott mort, victime de la vanité la plus vulgaire, de la bêtise crasse, de la connerie humaine lancée au galop,  Mascotte, seule, orpheline d’une complicité totale et dévouée, perdue dans son grand espace devenu si calme, triste.

Arriva Kiki, sauvage et attachante, petit bison rigolo difficile a approcher.

Malgré l’abattement il fallait réagir, combler le vide laissé par ce collant colosse au cœur tendre.

Mascotte était faible, depuis longtemps, grand baliveau fragile, plantée sur ses longues guiboles comme une sorte d’échassier bataillant avec le vent.

Par un après-midi de mars la belle s’est effondrée sur le flanc. Vétérinaire, perfusion, câlins, bisous, câlins, bisous, bisous encore et encore. Nous n’y croyions plus.

Quatre heures plus tard, dans une nuit sans lune, après moult essais infructueux Mascotte s’est redressée, d’un coup. Au prix d’une énergie incroyable, chancelante et fatiguée, elle était debout.

Ce soir là nous avons compris que cette bataille était gagnée mais que les chutes à venir seraient de plus en plus problématiques.

Un bilan sanguin complet réalisé par un cabinet vétérinaire spécialisé nous indiqua que tout allait relativement bien, la tumeur que Mascotte portait dans le cou était bénigne.

Seule ses hanches étaient faibles, ses antérieurs raides et difficilement manipulables.

Nous avons mis en place un programme nutritionnel riche afin de supplanter ces faiblesses. Mascotte adorait ce traitement à base de foin compressé des Alpes Bavaroises et de muesli au délicieux parfum de pomme.

Un masque anti mouche la soulagea des attaques incessantes des bestioles agaçantes.

Pendant ce temps Kiki se sociabilisait, elle apprenait vite.

Mascotte est retombée dans son abri. Une heure lui fut nécessaire pour se relever. Une fois de plus.

Elle reprenait du poids, du muscle. Une cinquantaine de kilos en six mois. malheureusement ses postérieurs étaient de plus en plus difficiles à lever.

Encore une chute, encore relevée.

Que serait demain ?

Je revois Mascotte lancée à pleine vitesse pour revenir du fond du pré, aérienne et altière, 33 ans aux prunes et souple comme une gazelle.

C’était deux jours avant sa dernière chute.

 

Cette fois ci elle ne s’est pas relevée, six heures durant nous l’avons encouragée.

La dernière heure nous ne pouvions que la câliner, son train arrière ne répondait plus, l’énergie l’avait quittée.

Le vétérinaire est venu et Mascotte s’est endormie définitivement dans son pré chéri, entourée des siens, Kiki comprise.

Abîmée dans sa jeunesse par trop de sauts, trop de travail, trop de sollicitations, poussée à ses extrémités par des couillons qui jouent à celui qui pisse le plus loin par procuration elle a payé ce jour là le prix de la compétition, de l’imbécillité et de la vanité d’une bande de crétins qui l’avaient oubliée depuis longtemps.

Une page se tournait, un livre se refermait.

La Compagnie avait perdu son Haridelle.

Kiki se retrouvait seule.

  

Copie-de-05---07-sept.-2009-185_WEB.jpg

Publié dans Haridelle et Compagnie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article